Lors de précédentes discussions avec un membre du personnel enseignant sur les difficultés des adultes à apprendre le mandarin, celui-ci attribuait ces échecs à deux causes principales :
- Une capacité d’apprentissage ou d’assimilation inférieure à la moyenne.
- Un manque de pratique en dehors des cours.
Il estimait que ces problèmes ne relevaient pas de la responsabilité de l’enseignant et que la solution consistait à faire redoubler ces étudiants. Cependant, nous ne partage pas entièrement cette opinion ni cette méthode de remédiation. Nous considèrons même que cela traduit un manque de responsabilité.
Premièrement, les adultes en activité en France apprennent le mandarin principalement pour :
- Leur conjoint(e) qui est chinois(e) ou taïwanais(e).
- Leur intérêt pour la culture chinoise.
- Le loisir ou pour passer le temps.
Ces apprenants n’ont généralement pas une forte motivation à approfondir leur maîtrise du mandarin. Ils se contentent souvent d’un niveau suffisant pour pouvoir échanger avec des locuteurs natifs. De plus, leur emploi du temps est souvent accaparé par leur travail. Par conséquent, imaginer qu’ils puissent réviser des manuels de mandarin difficiles après une journée de sept heures de travail relève de l’utopie.
Pourquoi est-ce que nous considérons que l’enseignant est le facteur principal influençant les résultats d’apprentissage du mandarin ? Parce que, étant donné les grandes différences entre le mandarin et le français, les ressources de révision des étudiants proviennent exclusivement des enseignants. Les stratégies d’apprentissage qu’ils peuvent appliquer après le cours sont également enseignées par ces derniers. L’enseignant de mandarin représente donc pour eux une bouée de sauvetage dans un océan inconnu. Si un enseignant se contente de suivre le manuel à la lettre, fournit des ressources insuffisantes ou propose des stratégies inappropriées, ces étudiants se retrouvent comme des poules sans tête, répétant mécaniquement des exercices sans direction ni objectif. Cela n’a pas de sens, et les étudiants ne parviennent pas à transformer ce qu’ils apprennent en mémoire à long terme. Cela équivaut à une « perte de temps ».
Le travail d’un enseignant ne se limite pas à « enseigner ». Il est également une lumière dans l’obscurité, guidant les étudiants vers la réussite de leurs objectifs d’apprentissage. Une méthode basée uniquement sur « je parle, vous apprenez, pratiquez à la maison » n’est pas adaptée aux adultes en activité.
Un enseignant doit avoir une vision claire de son rôle. Chaque exercice ou activité en classe doit être conçu avec une stratégie d’apprentissage précise. Personnellement, j’utilise souvent une partie des 62 stratégies d’apprentissage définies par Rebecca Oxford (1990), notamment :
- Les stratégies mnémotechniques comme « établir des connexions mentales », « utiliser des images et des sons » et « intégrer des mouvements ».
- Les stratégies cognitives telles que « pratiquer » et « analyser et raisonner ».
- Les stratégies métacognitives, par exemple « décider des priorités d’apprentissage ».
- Les stratégies affectives comme « réduire l’anxiété » et « se motiver soi-même ».
Nous encourageons également fréquemment les étudiants à utiliser des stratégies sociales après les cours, comme pratiquer le mandarin avec leurs camarades.
Selon moi, les stratégies affectives, en particulier « réduire l’anxiété » et « se motiver soi-même », sont primordiales. En effet, le mandarin est souvent qualifié injustement de « langue la plus difficile à apprendre ». Cela conduit de nombreux apprenants à aborder le mandarin avec méfiance et une attitude défensive. Lorsqu’ils rencontrent une difficulté, ils abandonnent rapidement. Dans un tel état de tension émotionnelle, leur cerveau ne fonctionne pas de manière optimale pour convertir les connaissances en mémoire. Ainsi, aider les étudiants à baisser leur garde est une priorité essentielle.
Ensuite, dans le processus d’apprentissage, les stratégies mnémotechniques comme « établir des connexions mentales », « utiliser des images » et « intégrer des mouvements » sont, indispensables. Par exemple, lorsque l’on mentionne de l’eau bouillante, à quoi pensez-vous immédiatement ? Brûlant ? Dangereux ? Intouchable ? Cette réaction d’association est appelée « double codage » : évoquer un objet ou une idée qui en fait immédiatement penser à un autre. Ce type de mémoire appartient à la mémoire à long terme. En exploitant le « double codage » dans l’enseignement du mandarin, on peut s’appuyer sur des images visuelles, des gestes vécus ou les expériences des étudiants dans des contextes spécifiques pour optimiser l’apprentissage et la mémorisation.
Bien sûr, les stratégies sociales telles que « poser des questions » et « collaborer avec d’autres » sont également indispensables. Cela permet non seulement d’« établir des connexions mentales » (stratégie mnémotechnique) grâce aux interactions humaines, mais aussi de combiner les apports auditifs avec les expressions corporelles et faciales, activant ainsi les systèmes linguistiques et visuels du cerveau pour un « double codage » efficace. Les activités en classe sont donc essentielles pour l’apprentissage des langues.
Enfin, l’éducation ne consiste pas seulement en un transfert de savoir (« l’enseignant enseigne, l’étudiant apprend »). Elle consiste à guider les étudiants, et même à les amener à adopter des comportements d’« apprentissage autonome ». Ainsi, les résultats d’apprentissage des étudiants ne dépendent pas uniquement de leurs efforts. L’enseignant reste le facteur déterminant de leur réussite.
Mandyssée